Culpabilité parentale et écrans : pourquoi tu te sens toujours coupable (et comment arrêter)

Tu touches ton téléphone 221 fois par jour. Tu passes 3h30 dessus quotidiennement. Tu le consultes avant même de sortir du lit. Et pourtant… tu t’inquiètes pour tes enfants scotchés à leurs écrans. Cette contradiction te parle ? Tu n’es pas seul·e. Bienvenue dans le cercle infernal de la culpabilité parentale face aux écrans.

Aujourd’hui, la question des écrans est devenue l’un des plus grands défis éducatifs de notre époque. Entre les rapports anxiogènes qui se succèdent, les injonctions contradictoires et notre propre addiction au numérique, difficile de savoir où donner de la tête. Résultat : on culpabilise. Énormément. Et cette culpabilité, loin de nous aider, nous paralyse.

Pourquoi on culpabilise autant face aux écrans de nos enfants ?

Un standard impossible à atteindre

La culpabilité des parents face aux écrans est aujourd’hui énorme. Et pour cause : le standard de ce qu’on appelle la “bonne parentalité numérique” est mis beaucoup trop haut. On nous demande d’être disponibles en permanence, d’avoir du temps, des expertises pointues sur chaque application, et de proposer à nos enfants des alternatives désirables à foison pour remplacer les écrans.

Soyons honnêtes : quand on rentre du travail fatigué, qu’on doit préparer le dîner, gérer les devoirs et penser à tout le reste… cette parentalité numérique idéale qui exige tant de disponibilité et d’énergie, on se dit clairement qu’on ne sera jamais à la hauteur.

Un face-à-face conflictuel et solitaire

Cette question des écrans se vit bien souvent comme un “face-à-face conflictuel et solitaire” au sein de chaque famille. On se sent seul, isolé, et cet isolement est directement lié à ce sentiment de ne jamais en faire assez. Résultat : on culpabilise encore plus.

Il faut vraiment “sortir de cette culpabilité, de cet isolement” et remettre du collectif, du commun sur ces questions. Parce qu’on ne va pas s’en sortir tout seul. On a besoin d’en parler, de se sentir aidés, de se tourner vers des associations, vers l’école, vers d’autres parents qui galèrent aussi.

L’effet miroir : nos propres contradictions

Et puis, soyons francs : nous, les adultes, on n’est pas vraiment exemplaires. Cette ambivalence qu’on reproche à nos enfants, ce n’est pas juste le miroir des adultes ?

“On est toujours traversé entre l’envie de protéger nos enfants et puis cette envie aussi de donner l’exemple sans toujours savoir comment faire.”

Les chiffres qui font mal (et qui nous concernent aussi)

Parlons chiffres. Parce que les données sont sans appel :

Les adultes et leurs écrans

  • 221 fois par jour : c’est le nombre de fois où un adulte touche son smartphone en moyenne. Soit environ une fois toutes les 4 minutes.

  • 3h30 par jour : c’est le temps que nous passons sur nos écrans quotidiennement.

  • 80% des Français consultent leur smartphone dès le réveil (et non, ce n’est pas pour embrasser leur conjoint·e).

  • 68% des parents admettent être distraits par leur téléphone lorsqu’ils parlent avec leurs enfants.

  • 65% des Français utilisent leur smartphone… aux toilettes.

On ne peut même plus avoir cinq minutes de déconnexion. Le smartphone est devenu notre doudou d’adulte.

La technoférence : quand ton téléphone détruit ta relation

Cette distraction permanente causée par notre téléphone a même un nom : la technoférence. C’est l’interférence de la technologie dans nos relations. Et nos enfants le remarquent : 54% d’entre eux disent que leurs parents vérifient trop souvent leur téléphone.

Comme l’explique parfaitement ce constat : “La question de la technoférence, c’est à dire la manière dont finalement une notification va détourner notre attention de cette capacité à être attentif les uns aux autres.”

Quand on est scotchés à nos écrans, nos enfants perdent des repères. La question, c’est celle de l’attention et du soin qu’on se porte les uns aux autres.

Tu es la première génération de parents d’enfants connectés aux réseaux sociaux

Voilà une vérité essentielle qu’on oublie trop souvent : tu es la première génération de parents d’enfants connectés aux réseaux sociaux. C’est normal de tâtonner, d’ajuster et de douter.

Nos parents n’ont jamais eu à gérer ça. Ils n’ont jamais eu à se demander à quel âge donner un smartphone, comment accompagner un ado sur TikTok, ou comment réagir face à un enfant qui passe des heures sur les réseaux sociaux.

On apprend en même temps que nos enfants. On expérimente. On se trompe. On réajuste. Et c’est OK.

Comment sortir de la culpabilité ?

Faire un petit inventaire sans se mettre la barre trop haut

La première piste, c’est d’être dans l’introspection : faire le point, un petit inventaire sur la manière dont on peut agir. Mais attention : “pas se mettre la barre trop haut non plus sur ce qu’on peut faire”.

Il y a quelque chose, un cheminement à faire vers soi pour voir ce qu’on peut, concrètement et de manière réaliste et pragmatique, faire. Et puis après, il y a quelque chose à construire aussi avec nos enfants pour sortir de cette culpabilité.

Remettre du collectif

“Vous n’êtes pas seule” : voilà le premier conseil pour arrêter de culpabiliser. Il faut en parler à des amis, créer des cercles de soutien sur ces questions-là. Ça aide vraiment à sortir de l’isolement.

La reconnaissance de la vulnérabilité, ce n’est pas une faille. Ce n’est pas une fragilité non plus qui va nous exposer. Parfois, le fait de se sentir épaulé par des amis, des parents de l’école, sur ces questions-là, ça fait vraiment du bien de juste dire : “c’est compliqué, non ?”

Comme le rappelle ce conseil précieux de mon amie Amélia Matar : “être parent tout seul, c’est franchement mission impossible. D’ailleurs, quand on regarde l’histoire de l’humanité, on n’a jamais été parent tout seul, on a toujours été parent dans une communauté. Donc, recréons ce collectif.”

Articuler la dimension intime et collective

Il faut vraiment articuler cette dimension intime et collective parce qu’on ne va pas s’en sortir tout seul. On a besoin de se tourner vers des associations qui peuvent nous aider à la fois à poser des mots sur ce qui se passe, mais aussi à nous aider à éduquer nos enfants. Il faut se tourner aussi vers l’école.

Il y a une dimension presque politique (au sens premier du terme) dans le fait de penser cette question de manière collective.

Passer de la culpabilité à l’éducation

Le problème, ce n’est pas les écrans

Voilà une vérité qui soulage : le problème, ce ne sont pas les écrans en tant que tels. C’est l’économie de l’attention.

Quand on parle d’effets délétères du numérique, on parle en réalité de ces applications, de ces plateformes qui mettent en place des mécanismes de captation de notre attention et de l’attention de nos enfants.

La technologie, c’est ce qu’on en fait. Et pour qu’on réussisse à en faire quelque chose de bien, il va falloir qu’on s’éduque toutes et tous à ces sujets, de 0 à 77 ans.

Développer un techno-discernement

Le temps n’est plus à la culpabilité ni à l’interdiction absolue. Il faut développer ce qu’on appelle le techno-discernement dans nos usages.

Cela passe par :

  • Comprendre comment fonctionnent ces plateformes

  • S’interroger sur nos propres usages

  • Dialoguer avec nos enfants sur ce qu’ils font en ligne

  • Les aider à développer leur esprit critique

Être curieux sans juger

Un manque énorme aujourd’hui, c’est la curiosité de la part des adultes sur ce que les enfants font dans les écrans. On est un peu en mode “vieux schnock”, à tout rejeter en bloc.

Mais derrière les écrans, il y a aussi de la créativité, des personnes ultra-intéressantes, du savoir, de la connaissance, de la possibilité de se connecter à l’autre.

Il faut restaurer le dialogue. S’intéresser à ce que nos enfants regardent : qui ils suivent, ce qu’ils aiment, pourquoi. Leur demander de nous montrer leurs TikTok préférés, sans juger.

Des conseils concrets pour arrêter de culpabiliser

1. Verbalise ce que tu fais sur ton téléphone

Un petit tips très concret : quand tu prends ton téléphone devant tes enfants, dis-leur ce que tu fais dessus.

Ça te permet de voir toi-même que parfois tes usages ne sont peut-être pas très opportuns sur le moment et que justement tu es en train de faire de la technoférence. Mais à contrario, quand tu as besoin de faire une recherche ou d’envoyer un message important, ça leur permet de voir que tu n’es pas en train de te détourner d’eux pour aller scroller, mais que tu es vraiment en train de faire quelque chose de manière consciente et éclairée.

2. Sois cohérent (sans être parfait)

Il ne s’agit pas de se mettre une pression énorme en visant le zéro écran. Mais plutôt d’être cohérent avec ce qu’on essaie d’inculquer en termes de règles dans la famille, et d’être soi-même cohérent avec ça.

Si tu demandes à ton ado de ne pas être sur son téléphone au dîner, fais de même. Si tu lui demandes de ne pas avoir de téléphone dans la chambre le soir, fais de même.

Ce qui est déjà pas facile, mais c’est le meilleur exemple à donner finalement aux enfants.

3. Préserve des moments d’attention

Essaye de préserver des moments d’attention, des pactes finalement où toute la famille met les écrans de côté. Des moments où l’on est pleinement présent les uns aux autres.

Pas de double écran : si on regarde un film ensemble, on range le téléphone. Pas de portable à table. Ces règles simples, mais appliquées par tous, créent un cadre clair et crédible.

4. Intéresse-toi vraiment à ce qu’ils font

Au lieu de simplement limiter le temps d’écran, intéresse-toi au contenu. Demande-lui ce qu’il a retenu aujourd’hui de son scroll sur les réseaux sociaux, quels ont été les contenus, les vidéos, les créateurs de contenu qui l’ont particulièrement interpellé, pourquoi, ce qu’il y apprend, ce qu’il y trouve comme intérêt.

Essaye de le faire parler de contenu plutôt que de juste enfermer cette question dans un mot-valise (”les réseaux sociaux”). Essaye de creuser un peu plus et de voir de quoi il s’agit plus précisément.

5. Construis les règles avec eux

Discute les règles ensemble. Demande-leur : qu’est-ce qui te semble juste en termes de temps d’écran ou en termes de contenu auquel tu as envie d’accéder ? Qu’est-ce qui serait bien pour toi ?

Le fait de discuter ces règles ensemble fait que c’est plus facile après pour eux de les appliquer, de les comprendre et que ce soit plus concret dans la vie réelle.

6. Multiplie les regards

N’hésite pas à faire intervenir d’autres regards que le tien : un médecin qui parle des impacts des écrans sur le cerveau lors d’une visite de contrôle, un prof, un animateur. Ça permet de sortir du rôle de “parent relou qui veut enlever les choses qu’on aime”.

Ce qu’il faut retenir

 La culpabilité parentale face aux écrans est énorme, mais elle ne résout rien
 On se met la barre trop haut sur ce qu’est la “bonne parentalité numérique”
 On est seuls, isolés face à ces questions, alors qu’on a besoin de collectif
 Nous, les adultes, on est aussi accros à nos écrans (221 fois/jour !)
 La technoférence nous coupe de nos enfants sans qu’on s’en rende compte
 Tu es la première génération de parents d’enfants connectés aux réseaux sociaux : c’est normal de tâtonner
 Le problème n’est pas les écrans, c’est l’économie de l’attention
 Il faut passer de la culpabilité/interdiction à l’éducation/techno-discernement
 Sois curieux de ce que tes enfants font en ligne, sans juger
 Construis les règles avec eux, pas contre eux

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