Comment parler de la mort et du deuil aux enfants : guide pour parents bienveillants

La Toussaint est là, et avec elle, cette question que beaucoup de parents redoutent : comment parler de la mort à nos enfants ? Entre notre propre malaise et la volonté de les protéger, on hésite, on évite, on reporte. Pourtant, aborder ce sujet avec eux n’est pas seulement nécessaire, c’est aussi une belle opportunité de les accompagner dans leur compréhension du monde.

Entre les citrouilles d’Halloween et les chrysanthèmes déposés au cimetière, nos enfants sont confrontés à des symboles. C’est le moment parfait pour ouvrir le dialogue sur ce sujet que notre société française a tendance à éviter.

Les adultes ont longtemps pensé que certains sujets, comme la mort, étaient “des histoires de grands”, trop complexes ou trop lourds pour les enfants. On sous-estime leur capacité à comprendre, à ressentir, à intégrer les informations difficiles.

Résultat ? On crée un silence pesant autour de la mort, qui génère plus d’angoisse que de protection.

La période de la Toussaint, avec son jour férié du 1er novembre dédié à la mémoire des défunts, nous offre un cadre naturel pour aborder sereinement ce sujet avec nos enfants. Plutôt que d’attendre qu’un drame survienne pour en parler dans l’urgence et l’émotion, pourquoi ne pas faire de la prévention ?

Pourquoi la mort reste-t-elle un sujet tabou ?

Le poids culturel du silence

Contrairement à d’autres pays, notamment au Québec où les ressources pour enfants sur le deuil sont nombreuses et accessibles, certains pays comme la France peine à aborder frontalement la question de la mort avec les plus jeunes. Au Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, les éditeurs étrangers constatent régulièrement que les professionnels français sont particulièrement demandeurs de contenus sur ces sujets “tabous”.

Pourquoi cette différence ? En France, on a tendance à penser que tout doit venir des adultes, que ce sont eux qui doivent maîtriser le sujet avant de le transmettre. On veut protéger nos enfants des émotions négatives, ce qui est normal, mais ce n’est pas nécessairement souhaitable.

Nos propres peurs nous freinent

Soyons honnêtes : si on évite le sujet, c’est aussi parce qu’en tant qu’adultes, on n’a pas forcément envie d’anticiper la perte d’un proche. Parler de la mort nous oblige à nous projeter dans des situations douloureuses. C’est comme éviter un rendez-vous médical qu’on redoute : on passe à côté du problème plutôt que de l’affronter.

Pourtant, cette anticipation est précieuse. Elle permet de préparer nos enfants, de leur donner des outils pour comprendre et gérer leurs émotions le jour où ils seront confrontés à la perte.

Ce que les enfants comprennent vraiment de la mort

Ils sont capables de comprendre

Les enfants comprennent beaucoup plus qu’on ne le pense. Dès leur plus jeune âge, ils captent les émotions, les silences, les non-dits. Quand on leur cache la vérité, ils la sentent quand même, mais sans pouvoir mettre de mots dessus. Cette incompréhension génère de l’angoisse.

Les psychologues le confirment : un enfant qui reçoit des explications adaptées à son âge se sent plus en sécurité qu’un enfant maintenu dans l’ignorance. Il ne s’agit pas de tout dire crûment, mais de trouver les bons mots, au bon moment.

L’importance de nommer les choses

Plutôt que de dire “Mamie est partie” ou “Grand-père s’est endormi”, il vaut mieux utiliser les vrais mots : mort, décès, mourir. Les euphémismes peuvent créer de la confusion, voire de nouvelles peurs. Un enfant qui entend “il s’est endormi” peut développer une peur de s’endormir lui-même.

Mettre des mots justes, c’est ouvrir la porte à la compréhension mutuelle et permettre à l’enfant d’exprimer ce qu’il ressent.

La Toussaint : un moment propice pour ouvrir le dialogue

Profiter du contexte culturel

Pourquoi le 1er novembre est-il férié ? Que signifie la Toussaint ? Pourquoi dépose-t-on des fleurs au cimetière ? Autant de questions simples qui peuvent servir de porte d’entrée pour aborder le sujet de la mort de manière apaisée.

Ce contexte culturel et familial offre un cadre rassurant pour parler de la mort sans qu’il y ait d’urgence émotionnelle. On peut expliquer que c’est un moment où l’on se souvient des personnes qu’on a aimées, où l’on honore leur mémoire.

La prévention plutôt que l’urgence

Attendre qu’un drame survienne pour parler de la mort, c’est se retrouver à devoir gérer ses propres émotions tout en accompagnant celles de son enfant. C’est possible, mais c’est beaucoup plus difficile.

En abordant le sujet en amont, dans un moment calme, on donne à nos enfants des repères qui les aideront le jour où ils seront confrontés à une vraie perte.

Les outils pour aborder le deuil avec les enfants

Les livres : des alliés précieux

La littérature jeunesse offre de magnifiques ressources pour aborder le deuil. Des livres comme “Le deuil raconté aux enfants” d’Aimée Verret proposent une approche en deux temps :

Une histoire à laquelle l’enfant peut s’identifier, souvent centrée sur la perte d’un animal de compagnie (le deuil animalier étant le plus fréquent chez les enfants)

Une partie informative qui explique concrètement ce qui se passe dans le corps et dans le cœur, les différents rites funéraires selon les cultures, et les gestes qu’on peut faire pour traverser le chagrin.

Ces livres permettent d’aborder le sujet par la fiction, ce qui crée une distance rassurante. L’enfant peut poser des questions sur le personnage avant de parler de lui-même ou de ses propres inquiétudes.

Comprendre la courbe du deuil

Un outil particulièrement utile pour aider les enfants à comprendre ce qu’ils vont ressentir : la courbe du deuil. Elle permet d’expliquer les différentes phases :

  • Le choc : le moment où on apprend la nouvelle

  • Le déni : la difficulté à y croire

  • La colère : pourquoi cette personne ? pourquoi maintenant ?

  • La tristesse : le moment du chagrin profond

  • L’acceptation : quand on apprend à vivre avec cette absence

  • La reconstruction : quand on se réorganise sans la personne disparue

Expliquer que ces émotions sont normales, qu’elles vont et viennent, aide l’enfant à ne pas se sentir perdu dans ce qu’il ressent.

Des gestes concrets pour accompagner

Les enfants ont besoin de gestes concrets pour traverser le deuil :

  • Dessiner la personne disparue

  • Écrire une lettre

  • Planter un arbre en sa mémoire

  • Créer une boîte à souvenirs

  • Regarder des photos ensemble

  • Raconter des anecdotes

Ces actions permettent de transformer le chagrin en quelque chose de tangible, de partageable.

Halloween et la mort : apprivoiser la peur par le jeu

La catharsis par le déguisement

Halloween, cette fête d’origine irlandaise, offre une opportunité intéressante : elle permet d’apprivoiser la peur de manière ludique et sécurisée.

Quand un enfant se déguise en squelette, en fantôme ou en créature effrayante, il acquiert un certain pouvoir sur ce qui lui fait peur. C’est ce qu’on appelle la catharsis : exprimer et maîtriser ses émotions négatives à travers le jeu.

Des contenus adaptés à tous les âges

Les films, livres et émissions autour d’Halloween proposent différents niveaux de “frayeur”, adaptés à chaque âge. Cette gradation permet aux enfants d’explorer progressivement leurs peurs, d’en parler avec les adultes, et de mieux comprendre ce qui les angoisse.

La peur, quand elle est apprivoisée dans un cadre sécurisant, devient une émotion qu’on peut comprendre et gérer.

Les erreurs à éviter quand on parle de la mort

Ne pas imposer sa vision

Chaque famille a ses croyances, religieuses ou non, sur ce qui se passe après la mort. L’important est de rester cohérent avec ses valeurs tout en laissant une place aux questions de l’enfant.

Évite les explications trop complexes ou abstraites pour les jeunes enfants. “Le ciel”, “les étoiles”, “le paradis” : ces images peuvent être belles, mais assure-toi que ton enfant les comprend vraiment.

Ne pas minimiser le chagrin

“Ce n’est qu’un poisson rouge”, “Tu en auras un autre”… Ces phrases, même dites avec bienveillance, peuvent faire sentir à l’enfant que son chagrin n’est pas légitime.

Toute perte mérite d’être prise au sérieux. Il n’y a pas de hiérarchie dans la douleur. Le deuil d’un animal de compagnie peut être le premier contact de l’enfant avec la mort, et c’est une étape importante de son développement émotionnel.

Ne pas mentir ou utiliser des euphémismes trompeurs

“Il est parti en voyage”, “Elle dort pour toujours”… Ces formules créent de la confusion. L’enfant attend le retour de la personne ou développe une peur de l’endormissement.

La vérité, dite avec des mots adaptés à l’âge de l’enfant, est toujours préférable au mensonge, même bienveillant.

Adapter son discours selon l’âge de l’enfant

Avant 5 ans

Les tout-petits ne comprennent pas encore le caractère définitif de la mort. Ils peuvent poser la même question plusieurs fois : “Quand est-ce que Papy revient ?”

Sois patient, répète les explications avec les mêmes mots simples. Utilise des comparaisons avec la nature : les feuilles qui tombent en automne, les fleurs qui fanent.

Entre 6 et 10 ans

À cet âge, les enfants commencent à comprendre que la mort est irréversible. Ils peuvent poser beaucoup de questions concrètes : “Qu’est-ce qui se passe dans le corps ?”, “Est-ce que ça fait mal ?”, “Est-ce que je vais mourir aussi ?”

Réponds honnêtement, sans entrer dans des détails trop médicaux ou effrayants. Rassure-les sur le fait que la plupart des gens vivent très longtemps.

À partir de 11 ans

Les pré-adolescents et adolescents ont une compréhension mature de la mort, mais peuvent développer des angoisses existentielles. Ils peuvent se montrer révoltés, tristes, ou au contraire très détachés en apparence.

Reste disponible pour échanger, sans forcer. Propose des ressources (livres, podcasts) qu’ils peuvent explorer seuls s’ils ne sont pas à l’aise pour parler directement.

À RETENIR

✔️ Les enfants comprennent plus qu’on ne le pense : leur parler de la mort les rassure plutôt que de les effrayer

✔️ Utiliser les vrais mots : éviter les euphémismes qui créent de la confusion

✔️ La Toussaint est un moment propice : profiter de ce contexte culturel pour ouvrir le dialogue

✔️ Les livres sont de précieux alliés : ils permettent d’aborder le sujet par la fiction

✔️ Expliquer la courbe du deuil : aider l’enfant à comprendre ce qu’il va ressentir

✔️ Proposer des gestes concrets : dessiner, écrire, créer des rituels de mémoire

✔️ Adapter son discours à l’âge : chaque étape du développement nécessite des explications différentes

La mort fait partie de la vie, et en parler avec nos enfants n’est pas morbide : c’est les préparer à affronter sereinement les épreuves qu’ils rencontreront.

Et si tu cherches des ressources pour t’accompagner, n’hésite pas à te tourner vers la littérature jeunesse spécialisée ou à écouter l’épisode complet du podcast “Génération Parents” sur ce sujet.

Parce qu’un enfant qui comprend est un enfant rassuré. Et un parent qui ose parler est un parent qui accompagne vraiment.

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